Les arrêtés Miot ont été pris, sous Napoléon, entre le 3 avril 1801 et le 28 octobre 1802, par l'administrateur général de la Corse, Monsieur André-François Miot.
Ils sont très connus en Corse, surtout pour les dérogations fiscales qui en découlent. Ou plutôt qui en découlaient, puisque ces arrêtés ont été supprimés le 1er janvier 2013. Retour sur les arrêtés Miot, leur contenu, les raisons de leur annulation… et de leur prolongation.
Fin du régime fiscal dérogatoire en Corse ?
Avec les arrêtés Miot, la Corse avait un statut fiscal à part qui permettait de payer moins (ou pas du tout) certains impôts indirects et certains droits d'enregistrement, notamment les droits de succession. Ce régime dérogatoire fiscal était applicable aux successions ouvertes en Corse et aux actes facilitant le règlement des indivisions successorales.
La loi du 22 janvier 2002 prévoit le principe d'une extinction progressive en Corse du régime fiscal dérogatoire en matière de droits de succession. Cette loi introduit dans le Code général des impôts (CGI) des dispositions transitoires avant l’application des règles de droit commun.
Les dispositions de la loi du 22 janvier 2002 sont prorogées par la loi du 30 décembre 2008. Par cette loi, l'exonération partielle de droits de succession de 50 %, applicable de 2011 à 2015, est décalée de 2013 à 2017.
Ainsi, pour les successions ouvertes entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017, les immeubles et les droits immobiliers (usufruit, nue-propriété, etc.) situés en Corse, sont exonérés à hauteur de 50 % de la valeur vénale.
La loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété prolonge l'avantage fiscal pour 10 ans. Le régime fiscal dérogatoire est donc prolongé jusqu'au 31 décembre 2027.
Il est prévu qu'au 1er janvier 2027, le régime fiscal de droit commun sur les successions s’applique en Corse (article 1135 bis du Code général des impôts).
Suppression des arrêtés Miot et principe d’égalité devant l'impôt
Dans sa décision du 29 décembre 2012 relative à la loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel censure la prorogation du dispositif dérogatoire prévoyant l’exonération totale des droits de mutation applicable aux biens immobiliers situés en Corse :
« Considérant que le maintien du régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur des immeubles situés dans les départements de Corse conduit à ce que, sans motif légitime, la transmission de ces immeubles puisse être dispensée du paiement de droits de mutation ; que la nouvelle prorogation de ce régime dérogatoire méconnaît le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ; que, par suite, l’article 14 doit être déclaré contraire à la Constitution. »
Le Conseil constitutionnel censure donc le caractère dérogatoire du dispositif d'exonération partielle de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit en Corse. Cette décision, par l'affirmation que chaque citoyen français est égal devant l'impôt, s'oppose à une éventuelle prolongation du régime dérogatoire.
Toute éventuelle prolongation du régime dérogatoire spécifique en Corse semblait donc difficile. Pourtant, la loi du 6 mars 2017 a pu prolonger le régime dérogatoire, en motivant cette disposition par la nécessité de laisser plus de temps au Girtec (Groupement d'intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété en Corse) pour mettre fin au désordre de la propriété en Corse (par l'intermédiaire notamment des notaires chargés des transmissions successorales).
Arrêtés Miot : l'apport de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017
Cette loi impacte la prescription acquisitive, le régime d’indivision et certains régimes fiscaux favorables applicables aux transmissions d’immeubles en Corse.
Voici les principaux points à retenir :
- L’article 1er de la loi du 6 mars 2017 prévoit une prescription de 5 ans de l’action en revendication à l’encontre des actes de notoriété acquisitive. Cette prescription constitue une dérogation temporaire au droit civil commun (qui est de 30 ans) et ne s’applique qu’aux actes de notoriété dressés par un notaire et publiés avant le 31 décembre 2027. Pour mémoire, la prescription acquisitive est le moyen d’acquérir un bien sans avoir à démontrer l’existence d’un titre de propriété, dès lors que, selon les dispositions du Code civil, la possession est continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. En pratique, en l’absence de suivi et de conservation des actes de propriété, les notaires corses dressent des actes dits « de notoriété acquisitive » afin de permettre les transmissions de biens immobiliers. Ces actes déclaratifs ne confèrent pas la propriété du bien mais ils constituent toutefois des éléments de preuve de la propriété alléguée.
- L’article 2 de la loi du 6 mars 2017 prévoit, pour les indivisions consacrées par prescription acquisitive (c'est-à-dire à défaut de titre de propriété) que les actes d’administration et de disposition sont réalisés sur décision des indivisaires représentant plus de la moitié des droits indivis (et non plus à la majorité des 2/3). Cette disposition a vocation à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2027.
- S'agissant des droits fiscaux dus lors de la première mutation à titre gratuit d'un bien immobilier, pour les actes reconstituant un titre de propriété publié jusqu'au 31 décembre 2027, l’article 3 de la loi du 6 mars 2017 confirme le montant de l’exonération de 30 % à 50 % de la valeur du bien immobilier transmis. Ces dispositions s’appliquent sur l’ensemble du territoire national.
- Les immeubles et droits immobiliers situés en Corse sont exonérés de droits de succession à hauteur de 50 % de leur valeur, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2013. Cette exonération, applicable pour les successions ouvertes jusqu’au 31 décembre 2017, est prorogée par l’article 4 de la loi du 6 mars 2017 jusqu’au 31 décembre 2027.
- Enfin, l’article 5 de la loi du 6 mars 2017 exonère du droit fiscal de 2,5 % les actes de partage de succession et les licitations de biens héréditaires à hauteur de la valeur des biens immobiliers situés en Corse. Cette exonération du droit de partage s’applique aux actes passés du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2027.