Effectuer une donation en nue-propriété permet de transmettre un patrimoine, en évitant au bénéficiaire les droits de succession.
Dans un premier temps, on doit faire évaluer le bien immobilier transmis par une agence immobilière, puis on applique le barème légal afin de calculer la valeur de l'usufruit. Un notaire procède ensuite au démembrement, puis rédige l'acte de donation.
1. Faites évaluer votre patrimoine avant d'effectuer une donation en nue-propriété
Le donateur d'une nue-propriété doit s'appliquer à ne pas léser ses ayants droit. La première étape est donc de déterminer la valeur totale de son patrimoine.
Déterminez la valeur totale du patrimoine
Le donateur doit faire le compte de ses biens immobiliers et mobiliers (épargnes, titres, etc.). Il peut faire évaluer ses immeubles par une agence immobilière, et consulter la valeur de ses biens mobiliers auprès du dépositaire, c'est-à-dire la banque ou l'assureur.
Concernant ses biens immobiliers, et pour éviter tout redressement sur la valeur déclarée, le donateur peut s’appuyer sur le service « Patrim - Rechercher des transactions immobilières » créé par la Direction générale des finances publiques. Ce service est accessible via son espace personnel du site impot.gouv.fr. Il fournit une estimation établie à partir des statistiques de transactions de biens comparables vendus sur une période donnée, à proximité.
Il est également possible de consulter la base de données « Demande de valeur foncière » qui regroupe les transactions immobilières intervenues en France au cours des 5 dernières années, en accédant aux informations par géolocalisation depuis une carte interactive ou en téléchargeant les données depuis le site data.gouv.fr.
Tenez compte de tous les ayants droit
Chaque enfant du donateur dispose du même droit sur ses possessions. On ne fait pas de distinction selon que l'enfant soit issu d'un premier lit ou non.
Exemple : Monsieur M a un fils, Max. Monsieur M divorce de la mère de Max, et prend une seconde épouse avec laquelle il a un autre fils : Thierry. Thierry et Max disposent chacun d'un droit égal sur tous les biens possédés par Monsieur M, même s'ils ont été acquis avant qu'il se ne marie avec leur mère.
Bon à savoir : dans une famille recomposée, il peut être préférable de prendre conseil auprès d'un notaire afin de ne léser aucun de ses ayants droit.
2. Déterminez la valeur de la nue-propriété
Si le démembrement doit être viager
Dans un démembrement viager, le nu-propriétaire récupérera l'usufruit au décès de l'usufruitier. Il s'agit de la configuration utilisée dans le cadre de la préparation d'une succession.
Si le démembrement est viager, la valeur de l'usufruit et de la nue-propriété se calcule selon ce barème, en fonction de l'âge de l'usufruitier.
Si le démembrement est temporaire
Un démembrement temporaire se terminera à une date précise, à laquelle le nu-propriétaire deviendra plein propriétaire. En cas de démembrement temporaire, l'usufruit vaut 23 % de la pleine propriété, par tranche de 10 ans.
Exemple : pour un bien immobilier estimé à 200 000 € et démembré pendant 10 ans, l'usufruit vaut 46 000 € et la nue-propriété 154 000 €.
Déterminez si le donataire ne lésera pas autrui
Le donateur (celui qui donne) doit évaluer si le don qu'il va effectuer à son donataire (celui qui reçoit) ne dépasse pas la part à laquelle il a droit.
Pour cela, il lui suffit de diviser la valeur de son patrimoine par le nombre d'ayants droit, et de comparer avec la valeur de la nue-propriété donnée.
Exemple : Monsieur M dispose d'un patrimoine de 400 000 €, il a quatre enfants. Il ne pourra faire don que de 100 000 € à chacun d'entre eux, auquel cas il léserait les autres.
3. Consultez un notaire
Le notaire se chargera de conduire deux actes :
- Le démembrement immobilier en lui-même.
- La donation de la nue-propriété au donataire.
Bon à savoir : l'opération totale comporte des frais relatifs à l'acte de démembrement, plus des frais sur l'acte de donation. Il est possible de négocier un tarif global pour les deux.
4. Déterminez les droits et obligations de l'usufruitier et du nu-propriétaire
Les droits et obligations pécuniaires
L'usufruitier dispose du droit d'habiter le logement comme de le louer. En cas de location, il en tire des revenus fonciers. Mais il existe également des charges qui doivent être réparties entre usufruitier et nu-propriétaire.
L'article 606 du Code civil répartit ces obligations en mettant à la charge de l'usufruitier les réparations d'entretien, et à la charge du nu-propriétaire les grosses réparations.
Cet article dresse une liste non exhaustive des grosses réparations :
- gros murs et voûtes ;
- rétablissement des poutres et couvertures entières ;
- digues ;
- murs de soutènement et clôtures.
Concrètement, les grosses réparations sont celles qui touchent à la structure et à la solidité générale de l'immeuble. Le reste relève alors de l'entretien, du maintien en bon état de l'immeuble.
Il faut savoir que le nu-propriétaire ne peut être contraint d'effectuer les grosses réparations. Si toutefois l'usufruitier est amené à effectuer ces réparations, il peut seulement demander un dédommagement au nu-propriétaire à l'expiration de son usufruit.
Il convient en outre de rappeler que ni l'usufruitier ni le nu-propriétaire ne peut vendre seul le bien dans son intégralité, chacun d'eux ne pouvant en effet vendre que ses droits propres sur le bien. Par contre, d''un commun accord, ils peuvent vendre la pleine propriété du bien sujet au démembrement. Dans ce cas, et sauf convention contraire, le prix de vente est partagé entre eux, toujours selon la valeur respective de chacun de leurs droits.
Les droits et obligations en matière fiscale
L'usufruitier ayant la jouissance du bien démembré, il peut l'habiter ou le louer. S'il le loue, il en tire des revenus, desquels il peut déduire les charges qu'il a effectivement payées, comme tout autre bailleur (frais de gestion, assurances, frais d'entretien, etc.).
Plusieurs hypothèses peuvent alors se présenter en pratique :
- Si l'usufruitier laisse l'usage du bien démembré à disposition du nu-propriétaire, il ne peut pas déduire de charges du fait de l'absence de revenus.
- S'il loue au nu-propriétaire à un prix trop en dessous de la valeur locative de marché, il ne peut pas non plus déduire de charges.
- S'il renonce aux loyers au profit du nu-propriétaire, l'administration fiscale perçoit une double imposition, sur l'usufruitier et sur le nu-propriétaire.
- S'il y a renonciation à l'usufruit devant notaire, seul le nu-propriétaire est imposé sur les revenus fonciers.
En principe, le nu-propriétaire ne perçoit pas de loyers et ne déclare pas de revenus sur l'immeuble démembré. Il peut toutefois, lorsque l'immeuble est démembré et en location, déduire des revenus fonciers provenant de ses autres propriétés les dépenses qu'il a effectivement payées sur l'immeuble démembré. Dans ce cas, seules les dépenses liées aux grosses réparations sont concernées. Il peut aussi déduire les intérêts d'emprunts qu'il a contractés pour acheter la nue-propriété de l'immeuble loué.
L'usufruitier est redevable du paiement de la taxe foncière et de la taxe d'habitation (sauf si le bien est loué, auquel cas c'est le locataire qui est redevable de cette dernière).
Le paiement de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) incombe en principe à l'usufruitier, pour la valeur du bien en pleine propriété du bien immobilier démembré.
À noter : dans certains cas, le nu-propriétaire et l'usufruitier sont imposés séparément sur la valeur de leurs droits respectifs, selon une répartition qui dépend de l'âge de l'usufruitier, par référence au barème fiscal.
Bon à savoir : en pratique, le nu-propriétaire a la possibilité de déduire de l'assiette de son IFI les dettes résultant de la conservation ou de l'acquisition du bien démembré, alors même que celui-ci ne figure pas dans son patrimoine imposable.