Donation avant cession

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La cession de titres de sociétés, tout comme la cession d'immeubles, est soumise à l'impôt sur les plus-values réalisées. Cet impôt peut être très élevé. Pour éluder cette imposition, il a été imaginé de gommer la plus-value, en procédant à une donation avant cession.

Mais attention à ne pas voir qualifier ce montage d'abus de droit par l'administration fiscale ! Le point maintenant.

Intérêt de la donation avant cession

Lors de la cession d'un bien à titre onéreux (vente, apport, etc.), le propriétaire est imposé sur la plus-value qu'il a réalisée. La plus-value est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition.

Dès lors, on comprend que les particuliers essaient d'échapper à cette imposition.

Pour gommer la plus-value il a été envisagé de donner avant de vendre. Par suite :

  • Le donateur, qui cède son bien à titre gratuit n'est pas imposé (l'imposition sur les plus-values ne concerne que les cessions à titre onéreux).
  • Le donataire (qui a reçu le bien) qui vend immédiatement après la donation ne réalise aucune plus-value.

Dès lors, prix de cession = prix d'acquisition et plus-value = 0.

Bon à savoir : l'imposition des particuliers sur la plus-value immobilière peut aller jusqu'à 19 % au titre de l'impôt sur les revenus, auquel s'ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux, sans compter la surtaxe éventuelle si la plus-value est supérieure à 50 000 € !

Risque de la donation avant cession : l'abus de droit

Les cas où l'abus de droit est caractérisé

L'abus de droit est une manœuvre destinée à éluder l'impôt au moyen de constructions juridiques qui, bien que régulières, ne traduisent pas le véritable caractère de l'opération projetée :

  • soit parce qu'elles ont un caractère fictif ;
  • soit parce qu'elles ont un but exclusivement fiscal;
  • soit parce qu'elles ont un but principalement fiscal (article L. 64 A du Livre des procédures fiscales, applicable à compter du 1er janvier 2021, pour les actes passés à partir du 1er janvier 2020).

Lorsque l'administration fiscale prouve qu'il y a abus de droit, elle est en droit de restituer leur véritable qualification aux opérations effectuées et de les taxer comme telles (articles L. 64 et L. 64 A du Livre des procédures fiscales) en y ajoutant un intérêt de retard et une majoration éventuelle de 40 % ou 80 %.

Dans le cas d'une donation avant cession, il y aura abus de droit si la donation est fictive. Une donation est fictive lorsque le donateur ne se dessaisit pas irrévocablement et totalement du bien donné, qu'il n'a pas de véritable intention libérale au moment de la donation.

Exemple : des parents donnent un immeuble à leur enfant. Celui-ci le vend et fait un virement du montant de la vente à ses parents, ou bien leur consent un prêt sans intérêts. La fictivité de la donation est évidente !

La question est moins évidente lorsque les parents obligent les enfants à placer les actions données dans un établissement financier qu'ils contrôlent (holding).

Bon à savoir : dans le cadre du renforcement de la lutte contre la fraude, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 a créé une amende pour les professionnels du conseil juridique, financier et comptable, ou détenant des biens ou fonds pour le compte d'un tiers, qui ont intentionnellement fourni à leur client une prestation visant à constituer une manœuvre frauduleuse (article 1740 A bis du Code général des impôts). Cette amende correspond à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie sans pouvoir être inférieure à 10 000 €.

Pour éviter l'abus de droit

Dans le cas où la donation est véritable, et non fictive, l'abus de droit ne pourra pas être démontré, et le mécanisme est tout à fait valable.

Il faut veiller au respect de deux points :

  • La donation doit être réelle : le donateur ne doit en aucun cas recouvrer le bien ou son prix de cession.
  • La chronologie doit être respectée : la procédure de vente ne débutera que lorsque la donation aura été réalisée. Pas question de rechercher un acquéreur ou de mettre en vente avant la réalisation de la donation !

En conclusion, il faut considérer la donation cession comme un véritable outil de transmission à moindre coût, plutôt que comme un simple moyen d'éluder l'impôt.

Donation avant cession : la position actuelle du Conseil d'État

Le Conseil d’État a rendu le 10 février 2017 (décision n° 387960) une décision importante, s’agissant d’une cession en quasi-usufruit.

Dans l'affaire qui était jugée, l’acte de donation prévoyait :

  • une obligation de report du démembrement de propriété sur une partie du prix de cession des titres ;
  • et un quasi-usufruit pour le solde du prix de cession.

Pour le Conseil d’État, il résulte des dispositions du Code civil « qu’un acte de donation-partage peut valablement contenir une clause de quasi-usufruit non assortie d'une caution ».

En effet, l’acte de donation prévoyait expressément que le donateur pouvait disposer des sommes comme un propriétaire, sans avoir à demander l’autorisation aux donataires, mais à charge de restitution en fin d’usufruit. Parallèlement, les donataires dispensaient dans le même acte le donateur de fournir une sûreté pour garantir la créance de restitution au moment de l'ouverture de la succession du donateur. Le Conseil d’État a jugé que le donateur « reste redevable, à l'égard des donataires, d'une créance de restitution d'un montant équivalent. Ainsi, et alors même que cette créance n'est pas assortie d'une sûreté, dont l'article 601 du Code civil dispense expressément le donateur sous réserve d'usufruit, M. A... [devait] être regardé comme s'étant effectivement et irrévocablement dessaisi des biens ayant fait l'objet de la donation ».

À retenir : le Conseil d’État a ainsi considéré que le délai très bref entre la donation et la cession, l’absence de caution et les restrictions apportées à l’exercice du droit de propriété des donataires (interdiction d'aliéner ou de nantir les titres donnés pendant la vie des donateurs) ne suffisaient pas à qualifier la donation comme fictive au regard de la loi. La haute institution affirme donc que l'existence d’une créance de restitution permet d’écarter l’abus de droit, quelles que soient les charges et conditions prévues dans la donation.

Concrètement, dès lors que le quasi-usufruit est prévu dans un acte de donation, une donation avant cession entraîne les conséquences suivantes :

  • le donateur peut disposer à sa guise des sommes issues de la cession (à charge de restitution) ;
  • la plus-value, générée au moment de la cession, est purgée à hauteur de la nue-propriété, mais sans que cela engendre la majoration du prix de revient des droits de donation ;
  • l'abattement sur la plus-value de cession est calculé en fonction de la durée de détention de l'usufruitier ;
  • seul le quasi-usufruitier est taxé pour les impôts liés aux revenus générés ;
  • la créance de restitution est déductible de l’IFI de l’usufruitier, et taxable dans le patrimoine du nu-propriétaire ;
  • au moment de la succession du donateur, le nu-propriétaire impute la créance sur la succession de l’usufruitier, et récupère le patrimoine concerné en franchise de droits de succession.

À retenir : pour être accepté par l’administration fiscale, tant pour le calcul de la plus-value de cession que pour la déductibilité de l’actif successoral, le quasi-usufruit doit être matérialisé par une convention de quasi-usufruit, enregistrée au plus tard au moment de la cession.

Pour aller plus loin :

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