Annuler une donation : procédure

Sommaire

A qui attribuer la succession

 

Aussi charitable soit-elle, toute donation doit respecter certaines conditions de validité. Si celles-ci ne sont pas remplies, les vices de forme ou de fond autorisent une demande d'annulation devant un juge.

Mieux vaut donc connaître les règles, si vous ne voulez pas vous retrouver dans l'embarras de voir votre donation annulée. Nos explications.

Annuler une donation pour vice de forme

La donation doit respecter un certain formalisme. La violation des formes ou des procédures permet d'annuler la donation. Et cela, même si la donation est valable sur le fond.

Nécessité d'un acte notarié

Il existe diverses catégories de donations.

La plupart nécessitent un acte notarié. Ainsi, les donations entre vifs doivent être faites devant notaire et obéir au formalisme des contrats :

  • si une donation entre vifs est nulle pour des questions de forme, le donateur doit refaire la donation en respectant les formes légales ;
  • une donation entre vifs nécessite que le donataire (le bénéficiaire) majeur accepte ladite donation, soit :
    • personnellement,
    • par l'intermédiaire d'une personne à qui il a donné procuration. Si cette procuration n'a pas été faite par acte notarié, elle est nulle.

État estimatif

Une donation de biens meubles n'est valable que si ces biens ont fait l'objet d'un état estimatif, signé du donateur et du donataire.

Un vice de fond peut annuler une donation

Même si les règles de forme ont été respectées, la donation peut être annulée quand il existe des vices de fond.

Vices du consentement

Si le consentement du donateur, ou du bénéficiaire, est vicié, la donation peut être annulée. Il existe différents vices du consentement : erreur, violence, dol (article 1109 du Code civil).

L'erreur

L'erreur peut être :

  • une erreur sur la chose, ou sur la substance de la chose : le donateur a commis une erreur concernant le bien qu'il voulait donner ;
  • une erreur sur la personne: par exemple, le donateur s'est trompé et n'a pas donné le bien à la bonne personne ;
  • le donateur a cinq ans à compter de la découverte de l'erreur, pour demander l'annulation de la donation.

La violence

Il s'agit d'une contrainte, physique ou morale, ayant obligé la personne à faire le don, ou sans laquelle le donataire n'aurait pas accepté la donation telle qu'elle a été faite :

  • cette contrainte ne consiste pas obligatoirement en violences physiques. Elle peut justifier l'annulation si elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et si elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ;
  • la violence peut entraîner l'annulation même si elle n'est pas exercée sur le donateur ou le donataire en personne, mais sur son conjoint, ou ses ascendants, ou ses descendants.

Le dol

Ce sont des manœuvres sans lesquelles le donateur n'aurait pas fait le don, ou sans lesquelles le donataire n'aurait pas accepté la donation telle qu'elle a été faite :

  • les réticences dolosives consistent en ce qu'une personne a dissimulé des éléments essentiels qui, connus, auraient empêché le don ou l'auraient modifié ;
  • la réticence doit être intentionnelle, faite pour tromper.

Vices liés à la capacité juridique

Pour que la donation soit valable, le donateur doit avoir la capacité juridique de donner. Le donataire doit, quant à lui, avoir la capacité juridique de recevoir.

La capacité juridique du donateur

  • Les personnes considérées comme légalement incapables, ne peuvent effectuer seules des donation.
  • Les mineurs non émancipés de moins de 18 ans, ne peuvent effectuer de donation qu'avec l'accord de leurs parents ou de leurs représentants légaux.
  • Les majeurs sous tutelle ne peuvent effectuer de donation qu'avec l'accord du juge des tutelles ou du conseil de famille.
  • Les personnes qui ne sont pas saines d'esprit ne peuvent pas effectuer de donation : pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit.
  • La personne sous curatelle ne peut faire de donation qu'avec l'assistance du curateur.

La capacité juridique du donataire 

Certaines personnes n'ont pas le droit de recevoir des dons. Les dons reçus en violation de cette interdiction peuvent être annulés :

  • En principe, les personnels médicaux (médecins, infirmiers, etc.) n'ont pas le droit de recevoir une donation d'une personne qu'ils soignent ;
  • Il en est de même des responsables, employés ou bénévoles de sociétés d'aides à domicile vis-à-vis des personnes âgées ou handicapées bénéficiant de leurs services (article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles). Cependant, le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire à la constitution, car trop générale, et portant de ce fait une atteinte disproportionnée au droit de propriété (décision n° 2020-888, QPC du 12 mars 2021). Cette décision s'applique à toutes les affaires en cours non jugées et toutes les successions ouvertes depuis le 13 mars 2021.
  • Le curateur est réputé en opposition d'intérêts s'il est le bénéficiaire d'une donation effectuée par la personne sous curatelle.

Bon à savoir : une personne majeure placée sous curatelle peut effectuer une donation au profit de son curateur dès lors que la mesure de protection est confiée à un membre de la famille. En revanche, si le curateur est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, une donation à son profit par le majeur protégé est interdite (Cass. 1re civ., 17 octobre 2018, n° 16-24.331).

Annuler une donation : la procédure en cas d'abus de faiblesse

Les démarches

La personne qui veut obtenir l'annulation de la donation pour ce motif, souvent un héritier qui s'estime lésé, doit prendre un avocat et saisir le tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance) du lieu où réside la victime de l’abus. En effet, seul un juge peut prononcer l’annulation d'une donation.

Concrètement, la demande peut être fondée sur deux motifs différents, lesquels doivent être scrupuleusement prouvés par la personne qui entend obtenir l'annulation de la donation :

  • ainsi exposé plus haut, selon l'article 901 du Code civil, une donation est nulle si la volonté du donateur a été viciée par l'erreur, le dol ou la violence. On parle alors de vice du consentement : cela induit que la personne n’a pas consenti librement, en connaissance de cause, à cette donation, qu'elle l’a faite parce qu’elle a été trompée ou menacée ;
  • la seconde possibilité d'annulation est fondée sur l'article 414-1 du Code civil, en vertu duquel l'auteur de la donation n’était pas sain d’esprit au moment de la signer.

Bon à savoir : seule la victime peut agir contre l'abuseur en s’adressant au commissariat ou en adressant une lettre au procureur de la République. Les enfants de la victime ne peuvent pas engager l’action à sa place.

Cependant, pour obtenir l'annulation de la donation, la  victime, ou ses héritiers cette fois, peuvent saisir le tribunal judiciaire. La victime ou ses héritiers disposent légalement de 5 ans pour agir : ce délai court à compter du moment où ils ont connaissance des faits (et non de la date de la donation).

Les actes concernés

  • Les donations authentique, c'est-à-dire passées par devant notaire ne sont en principe pas concernées par une demande d'annulation. En effet, en pratique et selon la loi, l’acte authentique est signé en présence du donateur et du donataire. Le notaire, dans le cadre de sa mission d'officier public, se doit de vérifier que la décision est prise librement (sans influence abusive ni violence) et de manière éclairée, c’est-à-dire que son client est sain d’esprit.
  • Pour les autres donations, qui ne sont donc pas faites par actes authentiques (don manuel), elles sont généralement découvertes au moment de l'ouverture de la succession. Les héritiers appelés constatent que les comptes sont vides, que des placements ont été clôturés… Bien souvent dans ce cas, l’annulation de la donation risque de ne pas être suivie d’effet : le donataire a pu tout dépenser et ne pas avoir de quoi rembourser.

Comment apporter la preuve du vice du consentement ?

Il appartient au juge du tribunal judiciaire compétent de se forger son opinion, au regard d'un faisceau d'indices :

  • l’absence de lien de parenté entre le donateur et le donataire est un premier indice ; ainsi que
  • le caractère récent des relations entre ce donateur et le gratifié ;
  • l'existence de procurations au profit de la personne soupçonnée d’abus de faiblesse sur les comptes bancaires du donateur,
  • lesdits comptes bancaires ont été vidés, ou bien amputés…

Outre ces indices, le juge prendra également l'attache du médecin traitant du donateur, afin de prendre en considération l'existence et l'étendue de l'altération des facultés mentales. Un certificat médical de ce médecin pourra attester de la fragilité mentale de la personne au moment des faits. 

Ces pros peuvent vous aider