Usufruit viager et conjoint survivant

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Pacs et succession

En cas de décès d'une personne mariée, le conjoint survivant peut se retrouver propriétaire de l'usufruit sur les biens du défunt. Qu'il résulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de biens à venir (article 759 du Code civil), cet usufruit peut aussi être transformé en rente viagère. On vous en dit plus.

Bon à savoir : l'usufruitier peut utiliser le bien et en percevoir les revenus, mais il ne peut pas en disposer (par exemple, il ne peut pas le vendre) ; à l'inverse, les nus-propriétaires du bien ont le droit d'en disposer mais pas celui de l'utiliser, ni d'en percevoir les revenus.

Usufruit viager : les principes légaux

En présence de liquidités dans la succession (avoirs bancaires), le conjoint survivant usufruitier bénéficie d’un droit de quasi-usufruit sur les sommes : cela signifie qu'il peut en jouir à sa guise, à charge pour lui ou ses héritiers de les restituer à la fin de l’usufruit. La loi prévoit toutefois certaines garanties au profit des nus-propriétaires.

Dans le cadre d’une succession, le conjoint du défunt peut bénéficier de l’usufruit des biens à deux titres :

  • soit lorsqu’il choisit d’opter pour l’usufruit au titre de ses droits légaux (lorsque le défunt ne laisse que des enfants issus des deux époux) ;
  • soit lorsque le conjoint survivant bénéficie d’une libéralité entre époux (donation au dernier vivant ou testament) lui accordant des droits en usufruit.

Incidence du régime matrimonial

Avant de procéder à la liquidation de la succession, il importe de tenir compte de l’incidence du régime matrimonial. Quel que soit celui-ci, le conjoint est toujours présumé, à l’égard de la banque, avoir la libre disposition des fonds déposés sur ses comptes personnels.

En ce qui concerne la propriété des sommes détenues en banque, la règle est quelque peu différente :

  • Si les époux étaient mariés sous un régime communautaire, avec ou sans contrat de mariage, toutes les sommes ou valeurs dont l’origine ne peut pas être prouvée sont présumées constituer des biens communs ; de même, si les sommes proviennent de salaires ou de pensions de retraite des époux ou encore de revenus de leurs biens propres, elles sont communes. Dans le régime de la communauté, chacun des époux, ou sa succession, a alors droit à la moitié des biens communs.
  • Si les époux étaient mariés sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale, l’intégralité des biens communs revient au conjoint survivant à titre d’avantage matrimonial.
  • Si les époux étaient mariés en séparation de biens, ou sous le régime de la participation aux acquêts, chacun conserve la propriété de ses biens personnels ; cependant, les sommes déposées sur des comptes joints sont présumées être en indivision entre les époux.

Bon à savoir : concernant le régime de la participation aux acquêts, l’époux qui s’est enrichi le moins pendant le mariage aura le droit de participer en valeur à une partie de l’enrichissement de son conjoint.

Droits et obligations du conjoint au titre de la succession

Lorsque la succession comporte des espèces conservées au domicile du défunt, ou dans un coffre-fort, l’usufruit du conjoint survivant s’exerce sur elles sous la forme d’un quasi-usufruit. Concrètement, cela signifie qu'il en devient propriétaire et peut en disposer à sa guise, à charge pour lui de les restituer à la fin de l’usufruit.

En ce qui concerne les comptes ouverts au nom du seul défunt, le décès entraîne la clôture du compte.

  • Lorsque le solde du compte est positif, l’établissement bancaire est débiteur d’une créance envers la succession qui est immédiatement exigible. L’usufruit du conjoint s’exerce alors sous la forme d’un quasi-usufruit.
  • S’il s’agit d’un compte joint, les sommes sont présumées appartenir indivisément pour moitié à chacun des époux, et dans ce cas le décès n’entraîne pas la clôture du compte. Le conjoint bénéficie d’un quasi-usufruit sur les sommes.

Quant à l'épargne, le décès du titulaire du compte entraîne la clôture des comptes épargne réglementée (livret A, livret de développement durable ou LDD, livret d’épargne populaire, etc.). Le conjoint survivant exerce également un droit de quasi-usufruit sur les sommes.

Les comptes titres qui comportent des sommes d’argent au jour du décès, qu'elles proviennent des revenus de titres, de plus-values de cession ou de sommes en attente de réinvestissement, bénéficient au conjoint au titre de son droit de quasi-usufruit. Une jurisprudence constante relève régulièrement que le portefeuille de valeurs mobilières constitue une « universalité » : le conjoint a le droit de percevoir les revenus des titres mais pas les éventuelles plus-values résultant de leur cession. Il a également le droit de céder des titres à condition de les remplacer par d’autres.

Conseil : en présence de portefeuilles de titres, il peut être préférable d’organiser les droits et obligations de l’usufruitier et des nus-propriétaires par une convention spécifique ; le notaire peut également préconiser à ses clients d'apporter le portefeuille à une société civile, avec report du démembrement sur les parts sociales.

Obligations de l’usufruitier et protection des nus-propriétaires

Le quasi-usufruit permet à l’usufruitier de devenir propriétaire des sommes et d’en jouir librement, à la seule condition de les restituer aux nus-propriétaires à la fin de l’usufruit. La dette de restitution pèse sur la succession. Il est alors bien évident que les nus-propriétaires risquent de ne pas être remboursés s’il n’y a pas suffisamment d’actifs dans la succession de l’usufruitier. La loi prévoit ainsi un régime de protection des nus-propriétaires :

  • un inventaire doit être dressé avant l’entrée en jouissance de l’usufruitier, permettant d’établir la consistance et la valeur des biens objets de l’usufruit ;
  • l’usufruitier doit fournir caution aux nus-propriétaires ;
  • Les héritiers nus-propriétaires ont la faculté de demander la conversion de l’usufruit en rente viagère ; le conjoint survivant bénéficie de la même faculté.

Demande de conversion de l'usufruit en rente viagère

Une demande de conversion de l'usufruit en rente viagère peut être faite par le conjoint survivant usufruitier, ou par l'ensemble des nus-propriétaires, ou par un seul.

Le défunt n'a pas le droit d'ôter à ses héritiers la faculté de demander la conversion (article 759-1 du Code civil). De plus, les personnes qui ont le droit de demander la conversion ne sauraient renoncer par avance à leur droit. On n'a donc pas le droit d'exiger d'eux qu'ils y renoncent.

À noter : la demande de conversion de l'usufruit en rente viagère doit intervenir avant le partage de la succession.

Usufruit viager et conjoint survivant : besoin d'entente avec les nus-propriétaires

L'évolution de la procédure dépend de l'accord entre conjoint survivant usufruitier et nus-propriétaires. Si le conjoint survivant s'entend avec les nus-propriétaires, tous doivent alors tomber d'accord, notamment pour déterminer la valeur de l'usufruit et son équivalence en rente viagère (ou en capital).

Si le conjoint survivant usufruitier et les nus-propriétaires ne sont pas d'accord :

  • il faut alors saisir le juge pour faire convertir l'usufruit du conjoint survivant en rente viagère ;
  • la juridiction compétente est le tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance) dont relève le domicile du défunt ;
  • si le juge accorde la conversion, il doit déterminer le montant de la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, le type d'indexation permettant de maintenir l'équivalence entre la rente et l'usufruit (article 760 du Code civil) ;
  • le juge n'a pas le droit de faire convertir en rente viagère l'usufruit qui porte sur le logement principal et son mobilier si le conjoint survivant qui y habite à titre de résidence principale n'est pas d'accord ;
  • si le conjoint survivant souhaite une conversion de son usufruit en capital mais ne s'entend pas avec les nus-propriétaires, il ne peut pas recourir au juge : la conversion en capital nécessite l'accord amiable avec les nus-propriétaires (article 761 du Code civil).

Effets de la conversion de l'usufruit en rente viagère

Si l'usufruit est transformé en rente viagère ou en capital, le conjoint survivant renonce à cet usufruit : en échange, il perçoit la rente ou le capital. L'usufruit est donc remplacé par la rente ou le capital.

Bon à savoir : la conversion n'est rétroactive que si les nus-propriétaires et le conjoint survivant en décident ainsi (article 762 du Code civil).

La conversion est comprise dans les opérations de partage de la succession.

Usufruit viager : le régime fiscal de la transmission

Au premier décès, les droits de succession dus par les nus-propriétaires sont assis sur la valeur de la nue-propriété (après application des abattements successoraux de droit commun). Cette valeur est calculée par application du barème fiscal de l’usufruit du Code général des impôts, et évolue en fonction de l’âge de l’usufruitier.

Le conjoint est, quant à lui, exonéré de droits de succession sur la valeur de son usufruit. Ensuite, au décès du conjoint, les nus-propriétaires retrouvent la pleine propriété des sommes, en franchise de droits.

Pour aller plus loin :

  • En présence d'un conjoint survivant, la succession obéit à des règles particulières. On vous dit tout !
  • La donation entre époux permet de modifier les modalités successorales et ainsi d'avantager son conjoint. Découvrez ses principes et ses avantages, ainsi que les options possibles.
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