Les indignes sont exclus de la succession : ils n'ont aucun droit dans l'héritage.
En l'absence de dispositions du défunt, la dévolution de la succession est dite « ab intestat » : sans testament. La transmission du patrimoine aux héritiers est alors organisée par la loi.
Il existe trois cas pour lesquels il y a absence de succession :
- les héritiers refusent la succession, on parle de renonciation à la succession ;
- il n'y a ni héritiers ni légataires : on parle de succession vacante ;
- un héritier est frappé d'indignité pour le droit à la succession : il ne reçoit alors aucun héritage.
Différence légale entre indignité et ingratitude
L’indignité successorale est la peine civile privant une personne de la possibilité de recueillir un héritage du fait de ses fautes envers le défunt.
L’ingratitude est définie comme un manquement grave au devoir de reconnaissance. Une fois reconnue en justice, donc après une procédure judiciaire devenue irrévocable, « l’ingrat » est sanctionné civilement et/ou pénalement. Ainsi, dans le cas d'un créancier d'une obligation alimentaire ingrat, qui a manqué gravement à ses obligations envers les débiteurs alimentaires, le juge peut décharger ces derniers de la totalité de leur dette.
Les juges estiment qu’un légataire universel a la qualité d’héritier au sens de l’article 957, alinéa 2 du Code civil. Ainsi, les légataires universels ont la qualité pour agir en révocation d’une donation pour ingratitude (Cass. 1re civ., 27 janv. 2021, n° 19-18.278, P).
Bon à savoir : une jurisprudence constante, fondée sur les articles 205 et 207 du Code civil, estime que des parents peuvent même être déchargés de leur dette alimentaire dès lors que les juges du fond relèvent que, par les violences qu'il a exercées sur eux à diverses reprises, leur enfant a gravement manqué à ses obligations d'honneur et de respect à leur égard. Au demeurant, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a ajouté un alinéa à l'article 207 du Code civil un alinéa disposant : « En cas de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l'un de ses ascendants, descendants, frères ou sœurs, le débiteur est déchargé de son obligation alimentaire à l'égard du créancier, sauf décision contraire du juge. »
Révocation en matière de donation
Le principe en matière de donation est l’irrévocabilité. Concrètement, cela signifie que le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de son bien, de son vivant, et ne peut revenir en arrière une fois l’acte notarié signé avec acceptation du donataire.
Mais il existe légalement 3 cas de révocation, indépendants de la volonté du donateur :
- pour inexécution des charges ;
- pour ingratitude sur la personne du donateur ;
- en cas de survenance d'enfants soumis à l'appréciation des juges du fond.
Bon à savoir : la jurisprudence apprécie au cas par cas, car c'est dans l'exercice du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond qu'il faut se placer.
La gravité des crimes ou délits commis postérieurement à la donation permet d'agir en justice. La donation entre vifs ne peut être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :
- si le donataire a attenté à la vie du donateur ;
- s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;
- s'il lui refuse des aliments.
Demande en révocation pour cause d'ingratitude
Selon l'article 957 du Code civil : « La demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur. Elle ne peut être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit. »
Bon à savoir : une jurisprudence constante rappelle que le délai de prescription de l'action en révocation de donation pour cause d'ingratitude, édicté par l'article 957, alinéa 1er, du Code civil, n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption.
Si l'action aboutit
Le donataire est condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter du jour de cette demande.
Bon à savoir : si le bien a été cédé à une tierce personne, celle-ci n'est pas tenue de le restituer ; mais le donateur sera en droit de se faire indemniser par son donataire jugé ingrat.
Indignité d'un héritier : disparition du droit de succession
Il existe 2 cas d'indignité : l'indignité automatique et l'indignité sur requête. Dans les deux cas, l'héritier est exclu de la succession : il ne reçoit aucun héritage, au même titre que le renonçant.
Indignité automatique : en cas de peine criminelle liée au défunt
Un héritier est obligatoirement exclu de la succession lorsqu'il a été condamné à une peine criminelle, comme auteur ou complice de :
- meurtre ou tentative de meurtre sur la personne du parent défunt ;
- coups et blessures ayant entraîné la mort du parent, même non intentionnellement.
Bon à savoir : l’héritier doit être condamné par une décision de justice passée en force de chose jugée, c'est-à-dire qui n'est susceptible d'aucun recours, soit parce que les recours ont été épuisés, soit parce que les délais pour les exercer sont expirés.
L'indignité peut aussi être facultative et concerner un héritier qui (article 727 du Code civil):
- a été condamné à une peine correctionnelle pour avoir porté atteinte à la vie du défunt
- a été condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt (ajout de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales) ;
- a porté un témoignage mensonger à l'encontre du défunt ;
- a commis un délit de non-assistance à personne en danger contre la personne du défunt ;
- a porté une dénonciation calomnieuse, dont il est résulté une peine criminelle à l'égard du défunt.
Bon à savoir : dès que les conditions sont réunies, le juge n’a pas d’autre choix que de prononcer l’indignité.
Indignité sur requête : demandée par un autre héritier
À la demande d'un héritier, un autre héritier peut être déclaré indigne par le juge, dans un délai de 6 mois à compter du décès ou de la faute de l'indigne.
Procédure de déclaration d'indignité
La demande de déclaration d'indignité est prononcée, après l'ouverture de la succession, par le tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance) du lieu d'ouverture de la succession à la demande d'un autre héritier ou, en l'absence d'héritier, par le ministère public.
Le délai pour former la demande est :
- de 6 mois à compter du décès, lorsque la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès ;
- ou de 6 mois à compter de cette décision si elle est postérieure au décès.
La déclaration d’indignité permet d’éviter à un héritier indigne de pouvoir bénéficier de l’héritage et du patrimoine successoral dont il devait hériter.
Effets de l'indignité
La déclaration d’indignité a pour effet d’exclure l’indigne de la succession. En conséquence, celui-ci devra restituer à ses cohéritiers la part successorale reçue, ainsi que les fruits et revenus dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.
Bon à savoir : cette peine ne s’applique qu’à l’indigne, de sorte que ses descendants ne sont pas exclus par la faute de leur auteur.
Toutefois, l'héritier déclaré indigne peut succéder lorsque le défunt, après les faits et la connaissance qu'il en a eue, a précisé, par une déclaration expresse de volonté par testament, qu'il entend le maintenir dans ses droits héréditaires ou lui a fait une libéralité universelle ou à titre universel.
Droit de succession : pas d'exclusion absolue de l'indigne
L'indignité n'emporte pas l'exclusion absolue de l'héritier fautif.
Révocation de l'exclusion par le défunt
Après avoir eu connaissance des faits, le défunt peut déclarer sa volonté de maintenir les droits de l'indigne dans sa succession via un testament. L'héritier indigne récupère alors sa vocation successorale.
Représentation de l'indigne
Lorsque l'indigne a des descendants, ceux-ci ne sont pas exclus de la succession du simple fait de la faute de leur parent. Ils ont vocation à représenter leur parent indigne dans la succession du défunt et héritent donc de la part qu'il aurait dû recevoir.
Important : attention, il n'en sera pas de même si le défunt avait anticipé sa succession et exhérédé un héritier par testament. Si la représentation fonctionne en cas d'indignité d'un héritier, elle ne joue pas en faveur des descendants d’un héritier exhérédé par testament (Cass., 1re civ., 17 avril 2019, n° 17-11.508).
Aussi dans la rubrique :
Conditions pour hériter
Sommaire
- Exister au jour de l'ouverture de la succession
- Ne pas être indigne
- Cas de la succession sans héritier : succession vacante