Vous avez tout à fait le droit de donner un bien à l'un de vos héritiers avant votre décès. Cette donation peut alors se faire avec ou sans dispense de rapport. Selon votre choix, cela va modifier la répartition des biens au moment de votre décès et lors de la succession.
Zoom sur les différences et les conséquences d'une donation avec ou sans dispense de rapport.
Donation à un héritier : qu'est-ce qu'un héritier réservataire ?
L'héritier réservataire est la personne qui bénéficie d'un droit légal sur une succession. On dit que cette personne est protégée par la loi : cela signifie qu'elle ne peut pas être déshéritée lors de la transmission du patrimoine du défunt.
Bon à savoir : l'héritier réservataire est un descendant, c'est-à-dire un enfant du défunt, qu'il soit légitime ou adultérin car la distinction entre les enfants n'existe plus en droit français. En cas d'absence d'enfant, le conjoint devient héritier réservataire.
La donation en présence d'héritiers réservataires
- Si le donateur effectue une donation en avance de part successorale en faveur de l'un de ses enfants, la part de succession des autres héritiers réservataires n'est pas modifiée : ils ont tous les mêmes droits dans la succession de leur auteur. La donation en avance de la part successorale est une avance sur l'héritage de son bénéficiaire, et non un complément de part.
- Si le donateur effectue a contrario une donation hors part successorale, alors dans ce cas la quotité disponible varie à la défaveur des héritiers réservataires autres que le bénéficiaire de la donation (le donataire). En effet, ce type de donation constitue un complément de part pour l'enfant gratifié, et cela provoque la diminution de la réserve d'héritage disponible que doit se partager l'ensemble des héritiers réservataires au moment du décès.
La donation en l'absence d'héritiers réservataires
L'absence d'héritiers réservataires facilite les possibilités de réaliser des donations : le donateur est libre de disposer de son patrimoine à sa guise, que ce soit en avance de part successorale ou hors part successorale.
Sans conjoint ni enfants, le donateur peut même donner tout son patrimoine à une personne désignée comme donataire bénéficiaire. En présence d'un conjoint, mais sans héritiers réservataires, seul le quart du patrimoine doit revenir légalement au premier : cela signifie concrètement que le donateur peut disposer librement des trois quarts restant.
Quotité disponible et réserve : qu'est-ce que c'est ?
La quotité disponible est la part des biens du défunt que celui-ci a pu légalement donner à diverses personnes en dehors de la succession (article 912 du Code civil). La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux qui est légalement réservée aux héritiers dits réservataires.
Article
Donation sans dispense de rapport
La donation à un héritier sans dispense de rapport consiste à donner à l'avance un bien à cet héritier. C'est une sorte d'avance sur l'héritage :
- La donation sans dispense de rapport a pour but de sauvegarder, plus ou moins, l'égalité entre les héritiers.
- Au moment de la succession, la masse partageable entre les héritiers doit inclure la valeur des donations sans dispense de rapport : autrement dit, les biens donnés ne resteront pas en dehors de la succession et du partage.
- Le bien qui a été donné sans dispense de rapport peut être évalué au jour du partage. Cependant, le donateur peut aussi prévoir que le bien donné sera évalué le jour de la donation par exemple.
La donation à héritier sans dispense de rapport n'est donc qu'une avance sur l'héritage. Elle n'a pas pour objectif de faire échapper une partie des biens au partage entre héritiers.
À noter : le rapport successoral concerne seulement les libéralités dont l'héritier a été personnellement bénéficiaire. Par exemple, deux époux donnent une somme d'argent à chacun de leurs trois enfants : deux d’entre eux reçoivent effectivement cette somme, tandis que le troisième demande à ce qu’elle soit remise directement à ses propres enfants (petits-enfants des donateurs). Au décès du couple donateur, la somme qui a été donnée aux petits-enfants ne doit pas être rapportée à la succession car le 3e enfant n'en a pas bénéficié personnellement (Cass. 1re civ., 6 mars 2019, n° 18-13.236).
Bon à savoir : l’interposition d’une société ne fait pas obstacle au rapport à la succession d’une donation. En cas de donation faite par le défunt à l'un de ses héritiers par interposition d'une société dont ce dernier est associé, le rapport est dû à la succession en proportion du capital qu'il détient (Cass., 1re civ., 24 janvier 2018, n° 17-13.017 et 17-13.400).
Dispense de rapport lors d'une donation à un héritier
La donation à un héritier avec dispense de rapport a pour but de favoriser cet héritier :
- Si la valeur du bien donné ne dépasse pas la quotité disponible, le donataire (celui qui a reçu le bien) n'est pas redevable de quoi que ce soit aux autres héritiers, et la valeur du bien donné est évaluée au jour du décès. Le donataire est donc gagnant si, par la suite, la valeur du bien augmente.
- Par contre, si la valeur du bien donné avec dispense de rapport dépasse la quotité disponible, le donataire doit verser une indemnité de réduction aux autres héritiers (article 922 du Code civil).
Cette indemnité de réduction est basée sur la différence entre la quotité disponible et la valeur du bien donné : (valeur du bien donné) – (quotité disponible) = indemnité de réduction (article 924 du Code civil).
Pour ce calcul, la valeur du bien est celle qu'il possède au jour du partage (article 924-2 du Code civil).
À noter : la demande de réduction par les héritiers réservataires doit être faite dans les cinq ans suivant l'ouverture de la succession, ou dans les deux ans suivant la date à laquelle les héritiers ont connu la donation. L'action ne doit en aucun cas être exercée plus de dix ans après le décès (article 921 du Code civil).
Bon à savoir : les sommes d'argent versées à un enfant majeur par un parent au titre de l'obligation alimentaire (versement d'une pension alimentaire, paiement de son loyer) ne constituent pas une donation. À ce titre, ces sommes n'ont pas à faire l'objet d'un rapport à la succession lors du règlement de celle-ci (Cass. 1e civ., 15 novembre 2017, n° 16-26.395).
Donation à un héritier : comment prouver la lésion ?
Lors de l'ouverture de la succession, un héritier réservataire peut s'estimer lésé dans sa part d'héritage au profit d'un autre héritier qui lui a été avantagé. Il peut contester cet avantage, et demander au juge de reconnaître l’existence d’une donation déguisée, dont le montant devra alors être rapporté dans la succession du défunt.
L'héritier réservataire doit prouver que le donateur a effectué de son vivant une donation déguisée à l'origine de la lésion dans sa part d'héritage. Il doit apporter la preuve que la donation a eu pour but de porter atteinte à l'équilibre successoral imposé par la loi. La donation déguisée est en effet prohibée par la loi.
Cette preuve de l'existence d'une donation déguisée est cependant très difficile à apporter. En pratique, il peut s'agir d'une vente à vil prix au profit de l'héritier bénéficiaire, ou d'un bail gratuit, ou encore d'une paiement injustifié... Seul un avocat peut aider un héritier qui s'estime lésé à prouver le déséquilibre au profit d'un réservataire, et à plaider auprès du juge la nécessité de rapporter à la succession le montant détourné afin de rétablir l'équilibre successoral.
Pour approfondir la question :
- Pour tout savoir sur les successions, consultez notre guide pratique !
- La donation hors part successorale est la plus appropriée si vous souhaitez avantager un héritier réservataire.
- La succession doit respecter la réserve héréditaire et la quotité disponible. Pour en découvrir d'avantage à ce propos, rendez-vous sur notre page.