Réserve héréditaire

Sommaire

 

La donation ne peut porter que sur la quotité disponible ; elle est réduite dès qu'elle empiète sur la réserve héréditaire.

Il est possible de son vivant de prévoir une donation afin d'avantager un héritier ou un tiers à sa succession, en lui transmettant tout ou partie de son patrimoine.

La donation permet d'anticiper la transmission du patrimoine qui a lieu en principe lors de la succession : en contrepartie, elle est strictement encadrée.

Il faut notamment prendre en compte la réserve héréditaire.

Réserve héréditaire : une limite à la liberté de donner

Pour les successions, la loi établit des règles indérogeables. Par donation, il est possible de disposer de son patrimoine du vivant, mais il est interdit de le dilapider à son gré.

Bon à savoir : l’interposition d’une société ne fait pas obstacle au rapport à la succession d’une donation ; en cas de donation faite par le défunt à l'un de ses héritiers par interposition d'une société dont ce dernier est associé, le rapport est dû à la succession en proportion du capital qu'il détient (Cass., 1re civ., 24 janvier 2018, n° 17-13.017 et 17-13.400).

Principe : interdiction de donner tout ou partie de la réserve héréditaire à un tiers

Il est impossible de déshériter un héritier réservataire en donnant tout ou partie de la réserve héréditaire à un tiers.

Les héritiers réservataires, les enfants et à défaut le conjoint survivant, reçoivent automatiquement, au décès du parent, une part de son patrimoine appelée « réserve héréditaire ».

Lorsque la succession présente un caractère international, et dans la situation où la règle de conflit de lois désigne une loi étrangère qui ne connaît pas la réserve héréditaire, la première chambre civile de la Cour de cassation a déclaré dans deux arrêts du 27 septembre 2017 (n° 16-13.151 et n° 16-17.198) « qu’une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français » ; dans ces conditions, il s'avère donc possible d'exhéréder un héritier réservataire.

Toutefois, pour les successions ouvertes à compter du 1er novembre 2021, lorsque la loi étrangère applicable à une succession internationale ne contient aucun mécanisme réservataire pour garantir la part de l'héritage qui doit revenir aux héritiers réservataires, un prélèvement compensatoire est possible. Il permet aux enfants déshérités par une loi étrangère de récupérer l'équivalent sur les biens de la succession situés en France (article 913 du Code civil, modifié par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021).

Liberté : avantager un héritier ou un tiers en donnant tout ou partie de la quotité disponible

Il est possible d'avantager un héritier ou un tiers en lui donnant tout ou partie de la quotité disponible.

Le patrimoine est divisé en deux parties :

  • la réserve héréditaire – c'est la part du patrimoine qui est réservée aux héritiers réservataires :
    • le donateur ne peut en disposer au bénéfice d'un tiers ;
    • lorsque le donateur consent dessus une donation à un héritier réservataire, il doit respecter les proportions légales de la réserve héréditaire.
  • la quotité disponible – c'est la part du patrimoine dont le donateur peut disposer librement :
    • il peut consentir dessus une donation au profit d'un tiers ;
    • lorsque le donateur dispose de la quotité disponible au profit d'un héritier réservataire, il lui consent un avantage.

Donation : avance sur héritage ou donation hors part successorale ?

La donation consentie à un héritier réservataire doit préciser sur quelle partie du patrimoine elle est imputée :

Réserve héréditaire : les proportions légales à respecter et le calcul

Les proportions de la réserve héréditaire et de la quotité disponible

En présence d'enfants, seuls ces derniers sont réservataires, dans les proportions suivantes :

Réserve héréditaire et quotité disponible
Le défunt laisse Réserve héréditaire Quotité disponible
1 enfant ½ du patrimoine ½ du patrimoine
2 enfants 2/3 du patrimoine 1/3 du patrimoine
3 enfants et + ¾ du patrimoine ¼ du patrimoine

En l'absence d'enfants, lorsque le défunt laisse un conjoint survivant, ce dernier est réservataire pour un quart du patrimoine.

La donation consentie au profit d'un tiers, non héritier réservataire, ne peut dépasser la quotité disponible, sauf renonciation à la succession anticipée de l'héritier.

À défaut, les héritiers réservataires peuvent exercer une action en réduction de la donation, afin de rétablir leurs droits successoraux.

Bon à savoir : la demande en réduction d’une libéralité excessive n’est soumise à aucun formalisme particulier ; la volonté d’un héritier de voir procéder à la réduction d’une libéralité excessive peut résulter de la demande visant à l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, ainsi qu’au rapport des donations (Cass., 1re civ., 10 janvier 2018, n° 16-27.894).

À noter : pour les successions ouvertes à compter du 1er novembre 2021, lorsque les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, le notaire doit l'informer de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible (loi n° 2021-1109 du 24 août 2021).

Réserve héréditaire : le calcul

La valeur de la réserve héréditaire est estimée au jour du décès par le notaire en charge du règlement de la succession.

Pour cette estimation, et selon les dispositions légales, il doit prendre en compte les éventuelles donations qui auraient déjà été faites, du vivant de la personne décédée dont la succession est ouverte :

  • donation en avancement de part successorale ;
  • donation hors part successorale.

La valeur de la réserve héréditaire qui doit être calculée dépend notamment de la présence et du nombre de descendants.

Bon à savoir : en présence d'héritiers réservataires, les quotités visées ci-dessus dans le tableau doivent être respectées.

Lorsque plusieurs personnes héritent, chacune d’entre elles est copropriétaire d’une quote-part indivise des biens successoraux. Il est nécessaire de procéder à un partage des biens afin que cette indivision de droit se transforme en droits exclusifs pour chacun de ces héritiers.

Il faut d'abord déterminer la masse partageable, laquelle est constituée par l'addition des éléments suivants, encore appelés « biens existants au décès » :

  • valeur des libéralités rapportables ;
  • indemnité de réduction des libéralités excédant la quotité disponible ;
  • créance du défunt contre les héritiers ;
  • créance de l'indivision successorale contre les héritiers.

Réserve héréditaire et assurance vie

Selon les dispositions du Code des assurances (article L. 132-13), les sommes versées à leur bénéficiaire au décès du souscripteur d'un contrat d'assurance vie ne sont pas concernées par les règles du rapport à succession, et échappent donc également à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire.

Sauf si l'administration fiscale requalifie les sommes ainsi déposées sur le contrat d'assurance vie de « manifestement exagérées », les primes versées sur ce contrat échappent aussi aux règles du rapport et de la réduction. Selon les dispositions fiscales et la jurisprudence civile, la disproportion est appréciée au moment du versement de la prime par le souscripteur, et non au moment du décès de ce dernier.

Bon à savoir : en pratique, si les primes sont qualifiées de « manifestement exagérées », l'administration fiscale les requalifie et contraint le bénéficiaire à les rapporter à la succession, avec le risque qu'elles soient alors réduites ; cette disposition ne concerne pas le capital versé.

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