En principe, il n’est pas possible de déshériter un héritier dit « réservataire », c’est-à-dire à qui la loi réserve une partie du patrimoine du défunt. Mais il existe des moyens de réduire sa part légale dans la succession, comme disposer de la quotité disponible différemment ou faire sortir une partie du patrimoine de la succession. Autre piste : établir un pacte de famille pour régler la répartition des droits héréditaires.
Découvrez dans cette fiche pratique comment réduire la part légale d'un héritier, en tenant compte des droits des enfants et des différents outils juridiques tels que la donation et le testament.
1. Disposer de sa quotité disponible au profit d’une autre personne
Cette solution consiste à faire passer une part de sa succession (appelée quotité disponible) au profit d'un autre héritier ou d'un autre individu, par exemple à l'enfant d'une concubine. Vous réduisez ainsi la réserve héréditaire (mais sans déshériter l’enfant ou tout autre héritier) tout en respectant la loi successorale.
Cela doit se formaliser par un acte notarié (une donation ou un testament, tous deux établis par notaire), qui prendra effet au décès, durant la succession.
Quelques rappels :
- en présence d'un seul enfant, la part réservataire correspond à la moitié de la succession, l'autre moitié à la quotité vacante ;
- en présence de 2 enfants : ils se partageront les deux tiers de la succession, le reste pouvant librement être légué à une autre personne ;
- en présence de 3 enfants ou plus, ils auront des droits sur les trois quarts de la succession. Seul le dernier quart pourra être légué.
La première façon d'avantager un de ses enfants au détriment des autres consiste à lui léguer par testament l'intégralité de la quotité disponible.
Exemple : Avec cette disposition, si un défunt laisse 2 enfants, chacun recevra le jour de la succession un tiers de l'héritage. Mais grâce au testament, l'enfant favorisé recueillera la part restante.
La quotité vacante désigne la fraction de la succession dont le défunt peut librement disposer, après avoir réservé une part obligatoire à ses successeurs réservataires (enfants, conjoint). Ceux-ci peuvent prétendre à une part minimale, fixée par la loi, quel que soit le testament. Le calcul dépend de leur nombre et de leur rang.
En termes juridiques, on parle de libéralité. Cet acte juridique permet de transférer un droit ou des biens. La libéralité se matérialise de différentes manières :
- la libéralité entre vivants : la donation ;
- la libéralité prenant effet au décès du donateur : le leg.
Quelle que soit l’action menée, la réserve héréditaire doit être respectée.
Des outils en ligne et des simulations existent pour vous aider à déterminer la proportion disponible dans votre situation spécifique. Prenez la précaution de consulter un juriste spécialisé pour obtenir un calcul précis et personnalisé.
Autres aspects importants
Le testament est un acte unilatéral révocable à tout moment. Il permet de léguer une partie de sa succession à un ou plusieurs héritiers (y compris des personnes non-héritières).
La donation est un acte irrévocable qui entraîne un dessaisissement immédiat du bien. Elle permet de transmettre un bien à un ayant-droit de son vivant.
Le choix entre testament et donation dépend de vos objectifs et de votre situation personnelle. Un spécialiste, tel qu’un adjudicateur, vous conseillera sur le choix le plus adapté à vos besoins.
Si la portion d'un successeur inaliénable est lésée par une donation ou un legs, il peut prétendre à une soulte. La soulte est une compensation financière versée par celui qui est avantagé par rapport au réservataire. Son montant est déterminé par un expert et son paiement s’effectue en numéraire ou en nature (attribution d'un autre bien, par exemple). Un délai de paiement peut être accordé à celui qui est avantagé. Il est important de prévoir les modalités de paiement de la soulte dans le testament ou la donation.
Voici quelques informations à prendre en compte :
- un couple marié sans enfants peut léguer l'intégralité de sa succession à une personne de son choix, par testament ;
- un parent peut avantager l'un de ses enfants en lui faisant une donation de son vivant ;
- un successeur inaliénable peut contester une donation ou un legs s'il estime que sa partie est lésée.
Exemple : Le défunt dispose de 300 000 € et de deux héritiers. Par voie testamentaire, il peut indiquer vouloir utiliser sa quotité disponible pour favoriser l’un de ses héritiers. Aussi, chaque héritier ne touchera pas 150 000 euros : l’un recevra 100 000 euros, l’autre 200 000 euros.
Important : Si vous envisagez le legs de tous vos biens à un seul enfant, l’adjudicateur procédera au calcul de la part réservataire de chaque héritier. En pareille situation, l'enfant avantagé devra payer une soulte, en numéraire, à sa fratrie.
À noter : Pour les successions ouvertes à compter du 1er novembre 2021, lorsque les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, le notaire doit informer l’héritier concerné de la possibilité de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible (loi n° 2021-1109 du 24 août 2021).
2. Faire sortir une partie de votre patrimoine pour réduire la part légale d'un héritier
Cette solution consiste à déplacer des biens en dehors de la succession. Il existe différentes manières de procéder. En vertu du code civil, la réduction de la part légale des héritiers peut s’effectuer par le biais de libéralités, de donations ou de legs. Les réservataires peuvent la contester, d'où l'importance d'un avocat spécialisé.
Comme évoqué, une partie héréditaire revient aux enfants, mais peut néanmoins être réduite. Le conjoint peut par exemple être désigné comme légataire universel pour réduire leur fraction légale dans l'héritage.
L'avocat spécialisé en droit successoral vous aidera à optimiser la transmission de votre héritage.
Bon à savoir : Le rapport successoral indique la répartition des biens après la réduction de la portion légale des héritiers grâce aux libéralités et donations.
Contracter une assurance-vie
Il vous suffit de désigner le bénéficiaire en cas de décès. Le capital figurant dans l'assurance-vie ne fera ainsi pas partie de la succession.
« Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré » (art L. 132-12 du Code des assurances).
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés » (art L. 132-13 du Code des assurances).
L'ensemble de ces dispositions s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité de l'opération.
Bon à savoir : Il faut faire attention au risque de réintégration à l'actif des primes manifestement exagérées pour éviter de faire rentrer ce contrat dans la succession. La Cour de cassation a en effet jugé que lorsque les primes versées dans ce type de contrat sont manifestement exagérées, les héritiers du souscripteur peuvent demander leur réintégration dans la succession de ce dernier (Cass, 2e civ., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-21.760).
Désignation du bénéficiaire d’une assurance-vie
Vous avez le droit de modifier le bénéficiaire de votre contrat à tout moment. Mais il est important de désigner un bénéficiaire précis et de veiller à la validité de la désignation.
Le capital versé au bénéficiaire ne fait pas partie de la succession. Mais selon la loi, les primes versées sur ce contrat peuvent être réintégrées à la succession si elles sont considérées comme manifestement exagérées. Cette notion complexe dépend de plusieurs critères : âge, situation patrimoniale, etc. Mieux vaut consulter un professionnel pour s'assurer que les primes versées ne risquent pas d'être réintégrées à la succession. Les héritiers concernés perdraient alors l’avantage et une fiscalité plus lourde s’appliquerait.
Acheter un bien en tontine
Au cours de ce procédé peu connu dans le cadre des successions, plusieurs personnes participent au financement. Lorsque l'une d'entre elles décède, son lot est réparti entre les autres.
La fiscalité de la tontine est complexe et dépend de la situation du bien immobilier et des liens entre les participants. Pensez à faire appel à un expert pour obtenir une analyse fiscale précise.
Bon à savoir : Attention, le pacte tontinier subit une fiscalité relativement lourde, sauf lorsqu'il se réfère à la résidence principale des protagonistes.
Créer une SCI avec apport de bien immobilier et clause de tontine
Pour limiter en valeur la part de l’un de ses enfants, il est possible de créer une société civile immobilière (SCI) avec l'enfant que vous souhaitez avantager et d'y apporter des biens immobiliers. Une clause de tontine est insérée dans les statuts de cette société civile immobilière.
Au décès, les parts de la SCI appartiennent automatiquement à cet enfant favorisé, et ce de manière rétroactive (précisément au jour de la création de la société). Cela signifie que, juridiquement, à aucun moment les parts n'ont fait partie du patrimoine du défunt, et donc de la succession.
L'enfant non favorisé gardera son tiers sur le patrimoine, mais ce dernier aura au préalable été amputé des parts de la SCI.
Bon à savoir : La clause tontinière ou clause d'accroissement dans le cadre d'une société civile prévoit que le survivant des deux associés est réputé propriétaire à part entière des parts de la société. Ce droit de propriété est fictivement réputé naître à la création de la société. Pendant toute son existence, le parent donateur est propriétaire des parts de la SCI avec son enfant favorisé et gratifié.
Important : Attention à une possible remise en cause de ce montage, si l'enfant non avantagé revendique une fraude à ses droits. Il est important de contacter un notaire, qui saura rédiger les statuts de la SCI en justifiant précisément les motifs patrimoniaux à l'origine de la création de la société.
Les statuts de la SCI doivent être rédigés par un professionnel, mentionner la clause de tontine et préciser ses modalités. La SCI avec clause de tontine peut être remise en cause si elle est considérée comme une fraude à la loi.
Prévoir un contrat de mariage adapté
L'union sous le régime de la communauté universelle prévoit que :
- tous les biens possédés par l'un des époux avant le mariage appartiennent pour moitié à l'autre ;
- le conjoint encore en vie héritera avant les descendants du défunt.
Prudence, car il s'agit d'un domaine relativement complexe, faisant appel aux compétences d'un notaire ou de son clerc.
Le choix du régime matrimonial impacte la fraction d'héritage de chaque conjoint. Par exemple, le régime de la communauté universelle précise que tous les biens acquis pendant le mariage appartiennent aux deux conjoints. En cas de décès, le conjoint survivant héritera de la totalité des biens communs, ce qui réduit la portion des enfants du premier lit.
Rédiger un pacte de famille
Cette solution consiste à rédiger un acte écrit par lequel l'héritier réservataire s'engage à renoncer à une partie de son héritage au profit d'un autre ayant-droit. Par exemple, deux enfants peuvent s'entendre pour que l'un d'eux renonce à sa fraction d'héritage en échange d'une compensation financière.
Réduire la portion légale d'un héritier est possible mais doit respecter les règles légales et implique de choisir la méthode la plus adaptée à votre situation. Il s’agit d’un sujet complexe et réglementé par le Code civil. Il est important de se faire conseiller par un avocat ou un conseiller juridique spécialisé pour connaître ses droits et choisir la meilleure stratégie, tout en respectant les droits de tous ses héritiers réservataires.
Offrir un présent d’usage
Dans ce cas, le don d’une somme d’argent se déroule du vivant du donateur. Le présent d’usage ne doit pas excéder une somme cohérente avec le niveau de vie du donateur. En cas de montant excessif, il peut être requalifié en donation. Ce qui peut avoir un impact sur la réserve héréditaire et engendrer un litige.
Action en réduction et renonciation anticipée
En matière de droit successoral, la « réduction » permet de faire respecter le droit des héritiers dont la réserve héréditaire est atteinte. Par exemple, si les parents souhaitent faire des donations ou des legs et que cela modifie le montant de la réserve héréditaire, tous leurs enfants seront en droit de réclamer leur réserve à l’ouverture de la succession. On parle alors d’action en réduction.
Toutefois, la loi du 23 juin 2006 prévoit la renonciation anticipée à l’action en réduction de la réserve héréditaire. En clair, un héritier réservataire peut s’engager à l’avance à renoncer à demander la réduction des donations portant atteinte à sa réserve. La renonciation est établie par un acte authentique. Il doit notamment y mentionner le nom du bénéficiaire de la renonciation.
Bon à savoir : Que se passe-t-il si le bénéficiaire d’un don ou d’un legs a reçu une somme excédant la quotité disponible et modifiant la réserve héréditaire à laquelle chaque héritier a droit légalement ? Sans action en réduction préalable, il est tenu de verser une indemnité de réduction. Cette indemnité se calcule à partir de la valeur des biens donnés ou légués.
En conclusion, la quotité disponible, définie par le Code civil, désigne la portion du patrimoine dont le défunt peut disposer librement. Son calcul est complexe et varie en fonction du nombre d'héritiers réservataires, notamment les descendants et le conjoint survivant. Le testament et les donations sont des outils juridiques permettant de léguer la portion libre à un autre ayant-droit, tout préservant les droits des réservataires. L'héritier qui s’estime lésé de ses droits réservataires peut prétendre à une soulte conformément aux principes de la loi successorale. Les capitaux accumulés sur une assurance-vie sont généralement exclus de la succession. Le souscripteur du contrat dispose d’une libre désignation des bénéficiaires. La tontine, régie par des règles spécifiques du Code civil, peut s’utiliser pour la détention d'un bien immobilier entre plusieurs participants. En cas de décès, la partie du défunt est transférée aux survivants selon les termes du contrat et la législation en vigueur. La rédaction des statuts d'une Société civile immobilière (SCI) nécessite une expertise juridique spécialisée. Les modalités de transmission des parts doivent être clairement définies pour éviter tout litige successoral.