Succession anomale

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Divorce et droit des grands-parents

On parle de succession anomale quand la loi attribue un bien de l'héritage à une personne en particulier, par dérogation aux principes ordinaires des successions, et ce en raison de l'origine de ce bien.

Les successions anomales visent à ce que les biens de famille restent dans la famille. Tel est le cas pour ce qui concerne le droit de retour en faveur des parents ou des frères et sœurs. PagesJaunes fait le point.

Succession anomale et droit de retour en faveur des parents

Le droit de retour en faveur des parents est prévu par l'article 738-2 du Code civil :

  • Il concerne les biens du défunt mort sans descendance, mais dont les père et mère sont toujours vivants (ou l'un d'eux seulement).
  • Il se peut que, de son vivant, le défunt ait reçu de ses parents des biens par donation.
  • Les parents peuvent reprendre, dans une certaine mesure, les biens qu'ils avaient donnés au défunt : ces biens leur retournent.

Limites de la succession anomale

Les limites au droit de retour en faveur des parents sont fixées par l'article 738 du Code civil :

  • Si les père et mère sont tous deux toujours vivants et si le défunt n'a pas de postérité mais des frères ou sœurs ou des descendants de ses frères ou sœurs, la moitié de la succession va aux frères ou sœurs ou à leurs descendants, et les parents reçoivent l'autre moitié. Chaque parent reçoit la moitié de la moitié, donc le quart de la succession. Le droit de retour ne peut donc pas dépasser ce plafond.
  • Si l'un des parents seulement est toujours vivant et si le défunt n'a pas de postérité mais des frères ou sœurs ou des descendants de ses frères ou sœurs, le quart de la succession va au parent encore vivant (mère ou père), le reste (donc, les trois quarts) va aux frères ou sœurs ou à leurs descendants. Là encore, le droit de retour en faveur du parent ne peut pas dépasser le plafond.

Si les biens que les parents avaient donnés à leur enfant mort n'existent plus, on procède à une équivalence en valeur. Le droit de retour s'exerce dans la limite de l'actif successoral.

Bon à savoir : aucune disposition testamentaire, aucun contrat, aucune décision ne peuvent faire obstacle au droit de retour en faveur des parents ; il est d'ordre public.

Succession anomale : droit de retour en faveur des frères ou sœurs

Le droit de retour en faveur des frères ou sœurs du défunt est prévu par l'article 757-3 du Code civil :

  • Il se peut que le défunt ait reçu, de son vivant, par donation ou succession, des biens de ses parents, mais que ceux-ci, eux-mêmes décédés, ne puissent pas exercer leur droit de retour.
  • Si le défunt n'a pas de descendants mais des frères ou sœurs (ou s'il y a des descendants des frères ou sœurs), ces frères ou sœurs ou leurs descendants recueillent la moitié des biens que le défunt avait reçus de ses parents et qui se retrouvent en nature dans la succession.
  • Il faut que les frères et sœurs du défunt aient les mêmes parents que le défunt (les parents qui ont donné les biens au défunt).

Ce droit de retour des frères et sœurs (ou de leurs descendants) ne joue que dans le cas où, en vertu de l'article 757-2 du Code civil, la totalité de la succession va au conjoint survivant. La part des biens retournés aux frères ou sœurs est donc prise sur la succession allant légalement au conjoint survivant.

Cependant, selon l'administration, le droit de retour au profit des frères ou sœurs pourrait être mis en échec si le défunt a fait un testament en sens contraire, notamment s'il a consenti un legs universel au profit de son conjoint survivant. Mais l'administration elle-même semble peu sûre quant à cette question.

Bon à savoir : concernant les successions ouvertes à partir du 1er janvier 2007, le droit de retour concerne non seulement les biens que le défunt avait reçus de ses parents, mais aussi ceux qu'il avait reçus, plus généralement, de ses ascendants ; l'article 757-3 du Code civil parle en effet expressément des ascendants.

Succession anomale : le régime juridique précisé de l'article 757-3

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 28 février 2018 (pourvoi 17-12.040) le régime juridique de cet article 757-3 du Code civil.

Selon le Code civil, en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus de ses ascendants par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l’absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et sœurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l’origine de la transmission.

Concrètement, dans cette situation, il s’ouvre deux successions, l’une dite « ordinaire », l’autre dite « anomale » qui a pour effet de faire échec à la règle générale selon laquelle le conjoint du défunt prime en principe sur les frères et sœurs. En l'absence de descendance, les biens de famille sont ainsi dévolus par moitié aux frères et sœurs du défunt, ou à leurs descendants.

Exemple : la Cour de cassation a eu à étudier l'histoire d'un homme qui s’était vu attribuer dans le cadre d'un partage successoral plusieurs immeubles, moyennant le versement de soultes à ses frères et sœurs ; décédé, il laissait une épouse, ses frères et sœurs, mais aucune descendance ; la veuve contesta en justice le droit de retour légal au profit des beaux-frères et belles-sœurs ; les juges de la Cour de cassation ont considéré qu’il n’y avait pas lieu de distinguer selon que les biens ont été reçus à charge de soulte ou non, et que les bénéficiaires du droit de retour n’ont pas à indemniser la succession ordinaire en raison de l’existence des soultes acquittées dans le cadre du partage familial.

Depuis cette jurisprudence importante, il n'existe plus de discussion doctrinale portant sur le point de savoir si l’article 757-3 du Code civil doit trouver à s’appliquer en cas de partage successoral. En effet, et même s’il y a paiement de soulte, la régularisation d’un partage ne fait pas obstacle au jeu du droit de retour légal.

Bon à savoir :le droit de retour n’est pas d’ordre public ; dès lors, le notaire conseille régulièrement à ses clients pouvant être concernés de supprimer ce droit, par voie testamentaire ou par une stipulation contenue dans une donation entre époux, afin d'éviter la création d’une indivision non souhaitable entre deux familles.

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