Deshéritage : est-ce possible ?

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Dans le cadre du droit des successions, la loi et la jurisprudence jouent un rôle primordial tant le contexte familial peut s'avérer tendu, voire litigieux. En effet, il peut arriver que des héritiers, quels qu'ils soient, s'estiment lésés et à tout le moins dans l'ignorance de leurs droits.

Il arrive également qu'une source de contentieux naisse alors même que le décès ne soit pas intervenu : c'est notamment le cas du déshéritage.

Dès lors, la loi permet-elle de déshériter un héritier ? Et, dans l'affirmative, sur quels fondements un héritier peut-il être écarté de la succession de son auteur ?

Déshéritage : ce que permet la loi

Selon l'article 724 du Code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Les héritiers désignés par la loi sont :

  • les parents du défunt ;
  • et dans certains cas, le conjoint survivant non divorcé.

Bon à savoir : en l'absence de conjoint survivant, l'article 734 du Code civil prévoit un ordre d'héritiers : d'abord les enfants ou leurs descendants sans distinction de sexe ni de progéniture.

De son vivant, le de cujus (celui duquel on discute la succession) a toutefois tout le loisir d’organiser sa succession et de modifier la dévolution instaurée légalement, laquelle donne priorité à certaines personnes en fonction de leur lien de parenté. Cela signifie concrètement que certains héritiers peuvent être écartés par la rédaction d'un testament.

Cependant, force est de rappeler que la loi protège certains héritiers.

Protection de la réserve héréditaire

Aux termes de l'article 912 du Code civil, la réserve héréditaire constitue « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent ». A contrario, la quotité disponible est « la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Ainsi, aucun héritier réservataire ne saurait être écarté de la succession de son auteur, à moins d'être frappé d'indignité. Seule la part représentative de la quotité disponible (la part dont pouvait librement disposer le défunt par donation ou par testament) peut être attribuée à un autre héritier, voire à un tiers à la succession.

Bon à savoir : cela signifie que la loi ne permet pas de priver ses enfants de la totalité d'un héritage, seulement d'une partie de celui-ci.

Lorsque la loi étrangère applicable à une succession internationale ne contient aucun mécanisme réservataire pour garantir la part de l'héritage qui doit revenir aux héritiers réservataires, un prélèvement compensatoire est possible. Il permet aux enfants déshérités par une loi étrangère de récupérer l'équivalent sur les biens de la succession situés en France (article 913 du Code civil modifié par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021).

Possibilités offertes par la quotité disponible

Le testateur peut donc déshériter par la rédaction d'un testament ses héritiers réservataires à hauteur du montant de la quotité disponible :

  • lorsque le testateur a 1 enfant, la moitié de son patrimoine lui est réservée, et il peut librement disposer de l'autre moitié ;
  • lorsqu'il a 2 enfants, les deux tiers de son patrimoine sont réservés à ses 2 enfants, mais il peut librement disposer du tiers restant ;
  • lorsque ce testateur a 3 enfants et plus, les trois quarts de son patrimoine sont réservés à ses enfants, libre à lui de disposer du quart de sa propriété.

Bon à savoir : si le testateur n’a ni conjoint survivant, ni enfant, il peut librement disposer de l'entièreté de son patrimoine et le transmettre à toute personne de son choix ; cela signifie que la loi lui accorde la possibilité de déshériter son frère, sa sœur ou ses parents… l’ordre public successoral ne s’y oppose pas.

Déshéritage : les fondements pour écarter un enfant d’une succession

La loi a prévu 2 cas, dans lesquels les héritiers sont qualifiés d'indignes de succéder à leur auteur. Ces possibilités sont prévues aux articles 726 et 727 du Code civil.

Déshéritage de l'article 726 du Code civil

Aux termes de cet article, un héritier est automatiquement exclu de la succession de son auteur s'il a été condamné à une peine criminelle pour les faits suivants :

  • meurtre ou tentative de meurtre sur la personne du défunt ;
  • coups, violence, voies de fait ayant entraîné la mort du de cujus sans intention de la donner.

Déshéritage de l’article 727 du Code civil

Le législateur permet dans ce cas au tribunal judiciaire de prononcer, à la demande d'un ou de plusieurs héritiers, l'indignité d'un cohéritier après l'ouverture de la succession.

Les motifs sont notamment les suivants :

Déshéritage : la dimension internationale

Les règles successorales peuvent parfois être contournées dans le cas de règlement d'une succession internationale, et cela en raison de la règle de la loi applicable à la succession. En effet, tous les pays n’ont pas les mêmes règles.

Voici 2 exemples concrets, régulièrement rappelés par la jurisprudence.

  • Arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2009 : Une femme est décédée, laissant pour lui succéder 3 fils et une fille. L'acte de notoriété dressé après son décès ne mentionne que l'existence de ses 3 fils. Plus de 30 ans après les faits, la fille du défunt tente une action tendant à la reconnaissance de sa qualité d'héritière et de ses droits successoraux. Certains héritiers ont naturellement opposé la prescription de l'action. À la suite de son décès, les ayants droit de la fille lésée ont poursuivi l’action pour tenter de démontrer un recel successoral. La Cour de cassation a rejeté leur demande au motif « que l'inaction de la fille… ayant fait perdre à celle-ci, à l'expiration du délai de prescription, la qualité d'héritier, il en résulte que la demande de ses ayants droit tendant à l'application de la sanction du recel successoral était irrecevable ».
  • Arrêt de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2017 : Dans cette affaire, les juges français ont pris en compte un ensemble d’éléments et ont considéré que la succession devait être soumise à la loi étrangère. Ils ont en outre relevé que les enfants qui réclamaient leur part de réserve héréditaire étaient majeurs et ne se trouvaient pas dans un état de besoin ou de précarité. Le déshéritage a donc été prononcé de fait.

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